Savez-vous que les fontaines sont protégées et habitées par de ravissantes jeunes filles couronnées de fleurs. Ces jeunes filles, appelées Naïade, veillent à la bonne tenue des fontaines auxquelles elles ont la plupart du temps donné naissance, soit en frappant la terre de leur pied, soit en pleurant un amour déçu.
Elles font office de fées des fontaines, c'est la raison pour laquelle la plupart des fontaines leur sont dédiées: Qui n'a jamais entendu parler de Fontaines des Fées, de Fontaines à la Dame ou encore de Fontaines de la Bonne-Dame?
Ces naïades ont coutume de faire leur toilette dans l'onde pure et de peigner leur longue chevelure, assise au bord de la margelle. Mais elles n'aiment pas être épiées ou surveillées. Dans certaines régions on a bien soin de s'écarter à la nuit close des fontaines.
Une nuit un paysan qui passait auprès vit une jeune fille vêtue de blanc sur une pierre mousseuse. Elle ne paraissait pas l'apercevoir et démêlait ses longs cheveux blonds. Le paysan s'arrêta d'abord, surpris, mais comme il était trop avancé pour reculer, il continua de cheminer, et quand il fut en face de l'apparition il dit:
"Ma belle demoiselle, vous êtes de bonne heure à votre toilette"
La fille leva sur lui un froid regard qui le glaça, en disant:
"Passe ton chemin; si le jour est à toi, la nuit est à moi!" Et elle se remit à peigner son opulente chevelure.
Ici le pauvre bougre s'en tire bien car parfois les naïades n'hésitent pas à noyer les mortels trop curieux qui se penchent au dessus des fontaines pour tenter de contempler leur royaume immergé. D'ailleurs à ce sujet un homme m'a dit un jour "Mieux vaut-il boire en aveugle l'eau fraîche des fontaines que s'y noyer les yeux grands ouverts".
Aussi, si on leur manque de respect les naïades assèchent les sources et tarissent les fontaines. Et plus que tout elles ont en horreur les malpropres qui souillent l'eau qu'elles réservent à leurs ablutions. Elles quittent alors à jamais le lieu, après s'être cruellement vengées des fautifs.
En revanche, elles apprécient qu'on leur fasse certaines offrandes, de peu de valeur pour nous mortels mais sans prix pour elles. Elles raffolent tout particulièrement d'assiettes cassées, de tessons de bouteilles, de morceaux de pain et d'épingles. Un Abbé m'a raconté que ces menus cadeaux avaient pour effet de faire rire la naïade cachée dans la fontaine. "Nous avions toujours soin de porter avec nous du pain et des épingles" dit-il. "Aussi, chaque fois que nous jetions une miettes de pain ou une épingle dans la fontaine, la fée nous riait à merveille. De nombreuses bulles se détachaient de la vase et nous arrivaient à la surface semblables à des perles cristallines".
